samedi 24 février 2007

Combien de temps à la valse des titres ronflants ?

L’image et les paillettes l’emportent de plus en plus sur le fondement même de la fonction. Aujourd’hui, on n’est plus caissière mais ‘hôtesse de caisse’, on n’est plus vendeur mais ‘conseiller clientèle’. Et les bons vieux titres de ‘Responsable’, de ‘Chef de service’, de ‘Manager’, de ‘Directeur’ ? Ces labels, compréhensibles pour la plupart d’entre nous, sont en péril car ils reposent de moins en moins sur des repères communs. A cela s’ajoute l’arrivée de nouvelles dénominations anglo-saxonnes qui compliquent considérablement un jeu de positionnement mutuel. Et les dérives accompagnent ce phénomène. Le ‘System Engineer’ devient en français ‘Ingénieur Système’ alors qu’il n’a parfois jamais dépassé le stade du CATP. Cela me choque. Rien à voir avec un problème d’égo mais bien que l’étiquette s’inspire d’un titre académique diplômant. On est proche de la contrefaçon puisque l’on va imiter quelque chose sans en avoir le droit et probablement dévaloriser des études.

Mais comment en arrive-t-on à doper ainsi une série d’étiquettes dans une société qui tente de retrouver des repères ?
Ces dernières années ont été marquées par le phénomène de mondialisation de l’économie et, alors que l’on assiste fréquemment à des restructurations, il est indéniable que des opportunités de promotion se sont multipliées dans les entreprises. Les carrières s’en voient moins linéaires et des personnes se retrouvent vite parées d’un titre ronflant ne correspondant pas à leur fonction ou à leurs responsabilités.

Faut-il s’en inquiéter ? Je ne crois pas car le marché n’est pas dupe. J’en prends pour exemple la visite récente de deux commerciaux d’une société de services informatiques cotée en bourse. Visiblement jeunes et peu expérimentés, ces deux personnes se sont présentées à moi avec un bagage commercial très léger et une connaissance médiocre du secteur hospitalier et de surcroît du contexte luxembourgeois. En 20 minutes de questions-réponses je me suis fait une idée sur leur manque de compétence qui a de plus déteint sur l’image, neutre à ce stade, que j’avais de leur entreprise. Je me suis même fait la réflexion que des sociétés de renom ne devraient tout de même pas envoyer des ‘junior’ au front sans les faire accompagner d’une personne ayant un minimum de ‘bouteille’ et de connaissance du client. A ma grande surprise, alors que je classais verticalement les 2 cartes de visites, je dus constater que mes interlocuteurs arboraient un titre de ‘Manager’! Qu’avaient-ils géré à ce jour, en tout cas ni notre entrevue ni un potentiel marché avec moi et ma société.
Le phénomène de la surenchère des titres va de pair avec une volonté d’ascension hiérarchique que les hommes ont toujours recherché. Comme un vieil adage, le principe de Peter nous rappelle que « Dans une hiérarchie, tout employé a tendance à s'élever au niveau de son incompétence ».
Je préconise l’avancée progressive, compatible avec une évolution, une maturité et une expertise gagnée au fil du temps, de l’effort et des succès.

Avant-hier, alors qu’il effectuait une sortie hors de la station spatiale internationale, le cosmonaute Mikhail Tyurin s’est fait dire "Please pay attention to your condition while you work" … "If you feel it's too hot, then take a break.". A ceci il répondit avec beaucoup de philosophie: "One who knows something about life is never in a hurry".

lundi 12 février 2007

Expérience - Inexpérience

Si la jeunesse (toujours relative) a certains avantages, elle souffre également de certains handicaps, l’inexpérience étant reconnue comme le majeur. Certains voudraient cependant opposer l’inexpérience à l’expérience. Comme si l’expérience était un gage de réussite, le terreau privilégié du succès.

L’apprentissage commence dès notre plus tendre enfance. Petit, il nous arrive de se voir refuser quelque chose auquel on tenait. A-t-on mal demandé ou s’y est-on mal pris ? Plus tard, ce sera peut-être un examen qu'on aura raté, un emploi qu'on aura manqué, une promotion qui nous sera refusée,...et chacun de ces échecs sera vécu plus ou moins bien.
Cette perception sera le résultat d’une interprétation d'un événement. La perte d'un emploi sera par exemple un événement perçu comme étant une chance de réorienter sa carrière pour une personne alors que ce sera une énorme difficulté à surmonter pour une autre.
L’approche par l’échec porte aussi avec elle une potentielle période d’écroulement, une destruction avant de reconstruire. Cependant, une personne ‘inexpérimentée’ qui a la capacité de réagir vivement à cet effondrement sera certainement plus performante que son homologue ‘expérimenté’ qui pourrait se laisser surprendre et abattre par l’inattendu, l’imprévisible.
En privilégiant l’expérience, on part du principe que le vécu sera ré-exploitable. Mais n’est–ce pas une erreur alors que notre mode de travail et de vie se base de plus en plus sur une multitude de projets ? Or chaque projet est bel et bien UNIQUE. C’est donc plus sur des capacités à innover, rassembler les références, planifier, organiser et contrôler ces projets qu’il faut juger les individus.
Il n’est donc pas irresponsable de confier des responsabilités à une personne qui n’a pas fait ses preuves sur un domaine. Il sera par contre indispensable que cette personne trouve le mélange subtil qui va allier la vue exprimée par les ‘anciens’ et la capacité à soulever des idées nouvelles ou non exploitées. L’inexpérience doit donc être comblée par des atouts. Ces derniers peuvent compenser judicieusement les manques (que certains adversaires ne failliront pas à reprocher aux premiers faux-pas d’ailleurs).
Ici, en Europe, notre approche a souvent tendance à voir l’échec avec un regard dévalorisant, alors qu’il peut être source d’apprentissage. La culture américaine, elle, exploite bien mieux les rebondissements de l’échec. Elle laisse également plus facilement la chance aux jeunes ambitieux.
Ainsi, le plus jeune Sénateur des Etats-Unis d’Amérique, Barack Obama, vient d’annoncer sa candidature à l’élection présidentielle. Attaqué sur son inexpérience, ce démocrate noir répond que les gens très expérimentés qui entourent Bush ont tout de même provoqué un fiasco en Irak.
Si l’on reste en politique, ce type de discours semble être également apprécié par Ségolène Royal face à ses rivaux dans la campagne présidentielle française. Cela lui a déjà bien réussi dans sa démarche interne au parti socialiste, face aux ‘éléphants’.
Les politiques nous apporteraient-ils la preuve que les mentalités doivent changer ?