dimanche 13 juillet 2008

Golden Parachute

Un parachute de secours vous laisse descendre à vitesse approximative de 5m/s. Cela peut paraître rapide, 5 mètres parcourus à la verticale en 1 seconde. Pourtant quand on relativise ce n’est que 18 km/h. Mais la perception d’un pilote de parapente/paramoteur est faussée puisqu’il est habitué à atterrir en planant (vitesse horizontale diminuant et vitesse verticale réduite au minimum, presque nulle).
Reprenons un peu de théorie : la vitesse V d’impact suite à une chute libre, pour un homme soumis à la pesanteur sans vitesse initiale, se calcule par la formule avec g l'accélération du champ de pesanteur terrestre (9,81 m.s-2) et z0 la hauteur du corps par rapport au sol.
Il faut ainsi sauter de un mètre trente de hauteur (sans vitesse initiale) pour toucher le sol avec une vitesse proche de 5 m/s (racine de 2 x 9.81 x 1.3). Pour celui qui s’avise de partir de cinq mètres (par ex : les para-commandos), la vitesse d’impact est proche de 10 m/s (racine de 2 x 9.81 x 5). Je vous le déconseille, même à la piscine (sans entraînement) !

Je partirai donc d’un constat simple : une chute de 50 mètres fait tout autant de dégâts qu'une de 2000 mètres. Et quand on y pense, tomber en vol est à la portée de tous. Mais comme disait le grand sage Confucius en son temps « notre plus grande gloire n'est point de tomber, mais de savoir nous relever chaque fois que nous tombons. ». Il ne parlait certes pas d’un homme qui tel Icare se prend à ‘tomber du ciel’. Cependant, pour moi, cette citation prend un sens nouveau lorsque j’évoque (après coup) ma chute de 150 mètres !

Partant du principe simple qu’il vaut mieux être au sol et regretter de ne pas être en l’air que d’être en l’air et regretter de ne pas être au sol, je suis du genre prudent dans mon sport dit ‘à risques’. C’est dans ma nature et cela se reflète certainement dans ma vie professionnelle imprégnée de la culture BCP (Business Continuity Planning), comme un leitmotiv.

Et je me suis toujours dit que si je devais tomber en parapente ou en paramoteur, je préfèrerais tomber de très haut pour avoir le temps de réagir. Force est de constater que 150 mètres suffisent pour disposer d’un espace-temps qui permet la réaction. Encore faut-il exécuter les gestes qui sauvent.
Je n’ai pas été paralysé par la peur, trouvant dans l’action un antidote. La chute ne tue pas, c’est le contact avec le sol qui est douloureux ! La notion de temps est toute relative (comme déjà évoqué dans un post passé), cependant ce court moment vous révèle si vous êtes à même d’agir. Moralement et physiquement.

Alors que j’ai mené différentes réflexions sur le risque (lire le post de décembre dernier ‘No risk, no fun’), je mesure aujourd’hui à quel point quelques précautions élémentaires sauvent une vie. Je pèse mes mots.
Je sais pertinemment que la pratique d’un sport aérien va de pair avec des risques. Quels sont-ils ? Je les classe en 4 catégories.

Matériel défectueux
  • l’aile de parapente est vieille, mal entretenue (sans révision) ou a subi des chocs (fragilisation des suspentes, par exemple)

  • le moteur n’a pas été révisé

  • La visite pré-vol n’a pas été faite

Ce type de risque est réduit si le pilote observe et entretient son matériel selon les règles de l’art.

Mauvaises conditions climatiques
Rester humble face à la puissance des éléments naturels. La concertation avec les personnes qui connaissent le site et ses caractéristiques, l’observation des conditions climatiques, la connaissance de la météorologie et des prévisions locales…tous des éléments qui peuvent inciter le pilote à rester au sol aussi amer soit-il.
Ce type de risque est réduit si le pilote a retenu et compris la théorie météorologique couverte lors du brevet théorique en vue de l’obtention d’une licence.

Manque d’expérience ou de connaissance de règles
Comme dans tout domaine, l’expérience donne de l’assurance. « Voler dans les airs est comparable à une histoire d'amour - non pas du point de vue de l'attirance sexuelle, mais en tant qu'expérience qui enrichit la vie. »[1] . L’expérience se gagne, c’est le résultat du travail et de l’ancienneté. « Nulle pierre ne peut être polie sans friction, nul homme ne peut parfaire son expérience sans épreuve. »[2]
Cette assurance ne doit cependant pas faire oublier les rudiments de la sécurité. A l’instar du code de la route, un ensemble de règles de priorités sont à respecter en l’air.
Ce type de risque est réduit si le pilote a obtenu son brevet pratique et jouit d’une expérience de terrain.

L’impondérable
Le risque est l’exploitation d’une vulnérabilité par une menace. L’homme n’est pas un oiseau, son périmètre de vie se trouve naturellement au sol. En l’air, il est très vulnérable. Il tombe ! Et avec un peu de hauteur ou de vitesse, « quand on tombe, on ne tombe jamais bien »[3] .
La menace est présente : un problème de santé, un mauvais geste, les autres pilotes, un oubli incompréhensible,…
Par définition, ce type de risque fait partie du sport et sera présent et constant dès que le pilote entreprend la préparation au vol jusqu’au rangement du matériel (en dehors, il n’est plus pilote !).

De mon point de vue, l’accident dont j’ai été victime (lire post Ver-tige) est à classer dans l’impondérable. Certainement animé de reflexes et d’un instinct de survie, j’ai cependant conjuré l’incident de vol grâce à un parachute et à diverses simulations répétées mentalement lors de séances de pliage.

En effet, je pense que la compréhension du mécanisme est indispensable. Le nombre fini d’étapes pour obtenir un résultat probant indépendant des données (l’algorithme en quelques sortes) va de pair avec l’accessoire de survie, en tout cas si l’on veut donner toutes les chances de réussite à ce moment critique.

Et puis parlons en quelques lignes de la gêne liée au poids, au volume, à l’esthétique, au prix, …etc…certains seront bien plus fort que moi pour trouver d’autres excuses et justifieront une liberté. Là je dis non ! Il n’en va pas que de sa sécurité personnelle, il en va également de celle des autres en cas d’accrochage en vol. J’en suis la preuve vivante.

Tout comme le gilet jaune de la sécurité routière devenu obligatoire un peu partout en Europe, c’est voyant, c’est moche, ça ne va avec rien mais ça peut sauver.
Le poids ? Généralement moins de 2,5 kg pour les modèles récents. L’encombrement devient de moins en moins un souci, les équipementiers ayant compris qu’un espace approprié devait être proposé. Le prix ? Je considère qu’il doit être inclus dans l’ensemble de l’achat. Vous viendrait-il à l’idée de demander le prix d’une voiture sans les ceintures de sécurité ? Pourtant, je me souviens qu’il y a trente cinq ans, mon grand-père a payé un supplément pour disposer de ceintures à l’arrière de sa nouvelle voiture. Quelle lucidité à une époque où chacun le voyait comme un équipement proche du superflu. Je me dois d’ajouter qu’il était assureur et respectueux de la sécurité qu’il offrait aux personnes qu’il conduisait.

Messieurs les pilotes d’ULM, je ne pars pas dans une croisade mais cherche ici à partager une expérience. Selon les renseignements que j’ai pu obtenir de la dernière biennale du paramoteur (http://www.mondial-paramoteur-2008.org/ ), moins de 10% des pilotes étaient équipés. Cela reflète-t-il l’ensemble des règles de sécurité que la discipline souhaite prôner ?
En m’exprimant ainsi sur le sujet, je risque de me retrouver tel un missionnaire rejeté à la mer par les calédoniens qu’il s’apprêtait à évangéliser. Pas de souci, je suis riche d’une expérience qu’ils n’ont pas.

En convalescence, je dois maintenant laisser mère Nature réparer mes 2 ‘légères’ fractures avec impaction du plateau vertébral supérieur L2 et L3. Je n’ai aucune lésion traumatique grave, une chance formidable. Repos, allongé la plupart du temps…patience, quelques semaines encore. Le moral est excellent, le physique reviendra.
Pour reprendre Sénèque, en guise de conclusion, « Seul l'arbre qui a subi les assauts du vent est vraiment vigoureux, car c'est dans cette lutte que ses racines, mises à l'épreuve, se fortifient. »

Chaque parachute ouvert à bon escient a plus de valeur qu’un Golden Parachute : cela sauve des vies ! En paramoteur, dans le cas d’une collision en vol, un parachute de secours est vital!




[1] Stephen Coonts Extrait de « The Cannibal Queen »
[2] Confucius
[3] Alexandre Dumas fils, Extrait de Le Demi-Monde

lundi 7 juillet 2008

Ver - tige (au cœur de l’action)


Basse-Ham, samedi 28 juin 2008, approximativement 19h20. Comme plus de 300 pilotes, j’ai décollé pour participer à ce rassemblement et battre un record du monde. Je suis un fidèle de l’événement depuis sa première édition.
Je vole en palier, à approximativement 150m d’altitude. Pas de plan de vol, je me suis lentement éloigné de la zone de décollage. Un vent moyen ne me permet pas d’avancer vite sous ma voile Platinium XL d’Adventure. Mon fidèle F3, qui fête ses 9 ans, ronronne. Je vole paisiblement, content de ma journée.

Soudain, bruit de moteur inquiétant. Je lève la tête et mes yeux découvrent l’impensable. Venant du haut, sur ma gauche, je vois avec effroi un chariot de paramoteur heurter ma voile de plein fouet. Je n’ai eu le temps de rien faire, j’ai seulement aperçu le visage tourmenté de l’autre pilote alors qu’il frappait le bord d’attaque de mon aile. Bruit de déchirement. Le profil de ma voile se casse, littéralement labouré par son moteur qui s’y est accroché. Le stress est à son comble. La situation est grave, je le mesure à la perte de contrôle et la chute qui l’accompagne. Je reste attaché à l’autre aéronef d’infortune, je le sais, je l’entends. Je vois le ciel, le sol, ça tourne. Je DOIS me sauver.

Parachute de secours…oui… je dois m’en servir, pas de place au doute, pas de temps, plus d’hésitation.
Concentrant mon regard sur mon ventre, j’agrippe la poignée rouge.
Fermement décroché de sa base par un geste maintes fois simulé, le pod enfermant la toile blanche du secours est à l’extrémité de mon bras. Tout mon espoir réside dans ce lancé au milieu d’un espace de ciel bleu. Le temps semble s’arrêter.
Je contemple la fine toile se dérouler. Pour moi, Sup Air n’a jamais aussi bien porté son nom de marque. Et je l’ai soigneusement repliée au printemps … tout se déroule comme à l’entraînement !
Bruit de velcro, une sangle claque contre l’arrière de mon casque et…CHOC.
Cà a marché ! Le champignon blanc me retient. Bon, ça, c’est fait.
Je tombe seul. L’autre n’est plus à mes côtés ? Attraper ce qui reste de ma voile…non, je ne la vois pas. Vite éteindre le moteur et sortir de la sellette.
Mais où est le sol ? …houaw…ça va vite, une dizaine de mètres encore, ce sera dans un talus herbeux. Je n’arrive pas à sortir mes jambes de la sellette. Je ne veux pas m’écraser, je dois encore….
Le bas de ma cage a rebondi et je percute le sol sur le siège. Je m’étale, ne maîtrisant plus rien. Un choc, comme électrique, vient de me parcourir le corps. Une rafale de vent gonfle encore un bout de voile qui tire mais ne me traîne pas.Je suis conscient. Je suis VIVANT. Je bouge mes bras, mes pieds…tout semble fonctionner. Soulagement. Je retire mon casque. Mais une douleur me lance dans le bas du dos, me clouant au sol, incapable de bouger. L’autre pilote arrive, il me confirme qu’il n’est pas blessé et s’inquiète de mon état.
Ne plus bouger, attendre les secours.