mercredi 5 décembre 2007

No risk, no fun !

Je me suis senti interpellé par un magazine en ligne français qui titrait « Comment vous positionnez-vous face aux défis que vous offre la vie ? Les affrontez-vous avec pragmatisme ou préférez-vous les fuir par peur des conséquences ? ».

Alors que mon pays est encore (et toujours) dans l’incapacité de former un gouvernement (inutile de rappeler ma belgitude aigüe), je me suis tout de même permis une pensée ironique vis-à-vis de mes amis français : il est temps de se poser la question quand on a un Président [Nicolas Sarkozy] qui affirme « Le pire risque, c'est celui de ne pas en prendre ».
Je vous rassure tout de suite, tout ceci n’est qu’un dérapage contrôlé : je ne vais pas me laisser emporter dans des considérations politiques sur un blog qui n’en a pas la vocation.

Revenons à la vraie question qui me taraude (pas celle du magazine) : faut-il continuer à prendre des risques, comment et pourquoi ?

Principe de base, accordons-nous sur une définition du risque, prenons celle de Wikipedia : une exposition à un danger potentiel, inhérent à une situation ou une activité.
Je note les mots clefs qui sont ici ‘potentiel’ et ‘situation’.
‘Potentiel’ indique que le risque n’est pas garanti (bonne nouvelle), qu’il est en arrière plan de cette situation, latent. Cela dit aussi que l’on peut minimiser la menace, en tout cas influencer son impact. Et fuir le risque n’est pas nécessairement s’en débarrasser car, comme le rappelle Eric Jong : « le problème, c'est que si l'on ne prend pas de risque, on risque encore davantage ».
‘Situation’ indique que le risque n’est pas systématique mais qu’il dépend d’un contexte. Une situation se crée mais se transforme également. Notre action a bien un effet. Malheureusement, tel le Rubik’s cube, l’image définitive et précise du risque ne se construit qu’au fur et à mesure.
Je garde en mémoire une définition intéressante qui m'a été donnée par un auditeur: le risque est l’exploitation d’une vulnérabilité par une menace.

Si la fortune sourit aux audacieux (vieil adage populaire), les audacieux vont gagner mais aussi…perdre. Car rien ne semble éternel en terme de risque. Chaque exemple a son contre-exemple, chaque Winner devient Looser s’il persiste. L’histoire est chargée d’exemples, de l’aventurier au sportif, du joueur au scientifique, du chef d’entreprise au militaire.
Dans son premier traité de stratégie militaire écrit au VIe siècle av. J.-C. , 孙子 (vous lirez « Sun Tzu ») disait déjà « Celui qui n'a pas d'objectifs ne risque pas de les atteindre. ». Cette sagesse toute chinoise nous rappelle que seul celui qui prend un risque a tout de même une chance de gagner.

Alors comment prendre des risques sans tenter le diable ? Pas facile !

Dans Philoctète, Sophocle prétend sagement que « plus faibles sont les risques, meilleure est l'entreprise ». Prenons donc des risques mais pas à n’importe quel prix.
S’il n’existe pas de recette, peut-on faire confiance à une approche, une méthodologie ?
Je ne possède pas une belle toque de cuisinier, je coiffe couramment la casquette du gestionnaire de projets. Il est unanimement reconnu que les projets font avancer l’homme ou les entreprises humaines. Et quoi de plus indiqué qu’un projet pour atteindre un ensemble d’objectifs en minimisant les risques ?

Rappelons donc quelques principes de base.
Un projet est un effort humain qui crée le changement et implique des tâches nouvelles et inconnues. Par définition, il est limité en terme de temps, en terme de budget et de portée, disons donc soumis à des délais. Rappelons également que le projet a des buts et objectifs composites et qu’il regroupe des personnes d'horizons différents qui sont amenées à travailler ensemble (compétences différentes, différentes responsabilités, différents centres d’expertises, …). Contrairement à l’activité routinière, qui recherche l’équilibre parfait, le projet est un déséquilibre permanent, une déstabilisation recherchée afin d’apporter les changements révolutionnaires espérés. Cette situation UNIQUE (contrairement au côté répétitif du BAU, Business As Usual) vise l’efficacité et non l’efficience. On veut aller d’un point A à un point B et on ne cherche pas à optimiser immédiatement la distance.
Mais…le tout baigne dans un bain d’agendas personnels, avec des personnes qui vous dévoileront leurs ambitions ou qui conserveront un agenda caché. Eh oui ! Là, on comprend un peu mieux les propos d’Henry Mintzberg : « dans l'élaboration d'une stratégie, le véritable défi réside dans la détection des subtiles discontinuités qui risquent d'ébranler une activité à l'avenir. Et, pour cela, il n'existe ni technique, ni programme. » . Mince…encore de l’imprévu, encore de l’humain !

Si le contraire du risque est la sécurité, faut-il ne pas prendre de risque pour gagner en sécurité ? Non. Comme le mentionne Paul Desmarais, « il faut prendre des risques, il faut toujours prendre des risques. Mais l'attente comporte aussi un risque. »

Prendre des risques c’est vivre pleinement.
Oser se jeter à l'eau...pour pimenter une existence…quel luxe !
Le luxe de la jeunesse, du goût du risque, le seul luxe de celui qui, après tout, n’a rien à perdre mais tout à gagner.