vendredi 22 août 2008

Kairos du hérisson

J’aime les mots. J’aime lire quelques termes désuets, quelques expressions inusitées. Je me délecte d’un vocabulaire riche sous-tendu par un texte à la trame poignante. Je suis en admiration face aux auteurs qui manient ma langue maternelle avec brio.
Et dans cet univers d’évasion, je découvre d’étranges fixations : certains thèmes attirent immanquablement mon attention au fil des lectures. Certains termes m’interpellent, m’invitent à comprendre leur sens profond, leur symbolisme.

Me voilà dans une lecture intéressante, chipée sur la table de nuit de mon épouse. L’élégance du Hérisson de Muriel Barbery. Ouvrage d’éruditions, simple et beau.
Je ne pensais pas y trouver matière à méditer et pourtant les nombreux Kairos évoqués m’ont laissé pensif.

Le Kairos est défini sur Wikipedia comme « le temps de l’occasion opportune ». C’est en somme une dimension qui offre une profondeur à l’instant placé dans la notion linéaire du temps. Qui dit « opportune » dit que cela viendra à propos. Seul un sens averti perçoit cette partie de l’instant qui recèle potentiellement le socle exploitable par le traqueur du ’bon moment pour agir’.

Et de me rappeler des devises de Management Consultant : ‘ne pas être opportun mais saisir les opportunités’. Concept machiavélien par excellence que les jeunes loups aux dents longues ne manqueront pas d’acquérir pour établir une position dominante dans la meute.
Des fauves dans une même cage et l’environnement, la vie, les relations sont des luttes permanentes, c’est le ‘struggle for life’. Poussé à son paroxysme, cette lutte professionnelle n’offrirait que de tristes perspectives, menant à terme à l’échec. Car les rapports humains ne se résument pas à un combat, une démarche militaire qui vise à terrasser l’ennemi, à vaincre, à détruire voire même tuer. La vie ne se résume pas à un jeu d’échecs. Ce n’est pas en détruisant l’autre qu’on s’impose et que l’on construit son espace de sécurité.

La beauté d’un Kairos saisi rayonne si les aspects moraux qui l’accompagnent ont été pris en considération. Mais il faut y parvenir AVANT et PENDANT, dans une dimension où Chronos n’a plus d’emprise.
L’AVANT se travaille et nécessite bien entendu de l’entraînement pour toucher à la force. Il faut alors prendre une décision de croire, de savoir que les objectif seront atteints, que le but sera touché. Etre persuadé, convaincu, décidé et déterminé. Construite un socle de béton qui enferme nos croyances. Une base qui ne peut vaciller sous le tumulte des tempêtes à venir. Chacun a en soi cette capacité de s’auto-influencer. On peut parler d’une manipulation personnelle (de plein gré) qui ouvre la porte à une autre dimension.
Le sport olympique nous permet actuellement de découvrir la splendeur de nombreux Kairos saisis. Sans le dopage, les meilleurs athlètes vous en font la démonstration aux Jeux de Pékin.

La préparation, l’entraînement, la répétition, la simulation mentale et puis le moment unique qui en se combinant à l’effort donne l’exploit.

J’aime les mots. Le Kairos du hérisson m’a fait rêver !

jeudi 14 août 2008

Mode Protection

Après le choc, la convalescence.
Jour après jour, je me soigne. Si je compte sur la médecine pour soigner mon corps, je n’ai pas attendu longtemps pour m’astreindre à une hygiène intellectuelle, presque quotidienne. Ce remède personnel vise à soulager et à prévenir toute baisse de moral. Il est de composition simple : recherches, lectures, écritures, réflexions, échanges avec des amis et des personnes de confiance.
Si le corps reprend des forces, il conserve une empreinte indélébile visible sur une simple radiographie. L’esprit est également marqué même si ce n’est pas visible par un simple regard. Ce n’est pas une cicatrice ni une ligne de fracture. Ce ne sera pas un point synonyme de faiblesse locale. J’en ai voulu autrement. L’épreuve n’est pas, et ne sera pas, intellectuellement douloureuse grâce à ce traitement psychique que je me suis prescrit. Ce sera de l’expérience gagnée, une force.

Nicolas Machiavel (Florence, 1469- 1527) partait du principe qu’il faut exploiter la situation pour imposer des changements profonds, rapides et irréversibles à une société éprouvée par un désastre. Le théoricien italien de la guerre et de la politique considérait le choc comme le moment idéal pour échapper durablement à la tyrannie du statu quo.
Il suffirait d’une simple variation sur ce thème pour amorcer un grand changement dans ma vie. Mais il me paraît trop facile d’encourager le fatalisme et de justifier ainsi des mesures rigoureuses. Aucune métaphore liée à la maladie ne serait ici innocente car je ne suis pas malade mais sur un chemin du rétablissement. Diderot faisait d’ailleurs dire à Jacques (le Fataliste) : « faute de savoir ce qui est écrit là-haut, on ne sait ni ce qu’on veut ni ce qu’on fait, et qu’on suit sa fantaisie qu’on appelle raison, ou sa raison qui n’est souvent qu’une fantaisie qui tourne tantôt bien, tantôt mal ». Mes lectures me montrent à quel point la notion de choc est contradictoire avec des notions intemporelles auxquelles je suis attaché.
Les principes qui me guident sont le perfectionnement personnel et une défense des valeurs éthiques auxquelles je crois. Ce perfectionnement passe par des phases de méditation, dans le silence.



Inspirations de « bonnes » lectures :
  • The Shock Doctrine – Naomi Klein – Actes Sud
  • Jacques le fataliste et son maître – D. Diderot – Folio Classique
  • Vendredi ou les limbes du Pacifique - M. Tournier – Folio
  • Le Troisième Jumeau – Ken Follet – Poche
  • L'élu - Le fabuleux destin de George W. Bush, sa vie, son œuvre, ce qu'il laisse au monde… - Frédéric Lenoir et Alexis Chabert – Vent des savanes